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Il était une fois, le Cambodge

Le passage de frontière est un peu épique comme prévu . On nous emmène dans une petite salle avec trois militaires. Les trois nous regardent et disent "37 $ par personne le visa". Merlin " je croyais que c'était 30" " qui vous a dit ça ? " " Ben tout le monde?". Ils nous sortent un papier officiel tamponné avec écrit "37" mais dans les petites lignes "visa 30 et fee 7". Hum. Puis un des trois dit " allez 35 parce qu'on doit vous prendre en photo." Merlin rechigne encore un petit coup et finalement "ok 30". Bon d'accord une négociation n'a jamais été aussi simple. Arrivée dans notre 18 ème pays. La route devient subitement un peu moins bonne. On s'arrête dans le premier village et c'est toujours un peu dur de retrouver les codes d'un nouveau pays. On ne connait aucun mot, on n'a pas internet. On essaie d'acheter une carte sim et trois magasins nous renvoient les uns vers les autres jusqu'à ce qu'au bout du troisième tour un des magasins accepte de nous en vendre une. Ici on paie tout en dollars et les prix ont un peu augmenté. Fin de journée sur une route en terre avec des montees bien raides. On vise une cascade et pour la troisième fois on abandonne avant d'aller la voir, la route est en trop mauvais état et à la dernière maison des gens nous disent qu'on ne pourra pas camper au bout. Bon on est au milieu de la jungle et le soleil se couche alors on demande si on peut rester chez eux et pas de problème on campe dans leur jardin ! C'est une genre de maison militaire et le matin on assiste au lever de drapeau puis on est invités au café. La première journée c'est 800m de dénivelé sur une route en terre au milieu de gigantesques forêts, à perte de vue.

Ça pourrait être stylé mais la route est en construction donc il y a des engins de chantier partout à intervalles réguliers. Ça met l'ambiance. Le soir, couvert·es de terre, on dort dans une ferme.


Elle est tenue par Kenny et son frère et leur famille. Kenny est américain, mais est né au Cambodge et a été adopté à 10 ans. Il est revenu 40 ans plus tard en mode vacances sac à dos et n'est finalement jamais reparti ! Il a monté une ferme de poulets bios. Il nous fait visiter toute sa ferme et c'est tres intéressant et nous avons le plaisir de boire des bières et manger du "black chicken" avec lui et ses employés le soir. On trinque à chaque gorgée et on finit un peu boubou finalement. On fait encore le petit dej avec eux le lendemain matin et on repart sur la route.


La journée est censée être facile, seulement "90km" et on a un point de chute pour le soir, un "free camping" indiqué sur notre carte. Mais rien ne se passe comme prévu : vent de face qui nous fait aller à maximum 12km/h, camions qui nous frôlent, route en mauvaise état, déchets qui s'amoncellent et qui créent une atmosphère parfois pestilencielle (on est sensibles à ça en vélo!), bouiboui sans trucs végés et assez chers. Bref on arrive au spot épuisé·es et sales à 18h. Le site a fermé et maintenant il faut passer une grille et on s'aperçoit que c'est un peu un squat avec des déchets partout. Il va faire nuit, on se cale tout au fond tant pis ! Ce n'est pas la meilleure nuits surtout qu'on a réussi à dormir dans une des seules villes musulmanes du pays et les muezzin retentissent à 5h du mat. Heureusement le lendemain on n'a que 30km pour rejoindre notre prochaine destination : l'île de koh ta kiev ! Vélo: coché. Ferry : coché. On est sur une toute petite île où il n'y a même pas de route, il n'y a rien à faire à part manger, boire, dormir, regarder la mer et se baigner et discuter avec les autres voyageur·euses présent·es. On profite de nos deux jours pour faire exactement ces activités et ça nous fait un bien fou, c'est notre première pause depuis Bangkok ! C'est tenu par une famille cambodgienne, mais deux Français travaillent avec eux alors on peut discuter facilement. C'était très chouette !


Puis on reprend la route, pour notre prochaine étape, Kampot. Une ancienne ville coloniale où il fait bon vivre et qui est célèbre pour ses plantations de poivre. Mais avant ça, il faut affronter les 90 km dont surtout les 20 km de route complètement défoncée. Pour vous donner une idée, on allait plus vite que les camions tellement ils galeraient !

On finit dans un hostel avec piscine et cocktail à 1€ dans lequel on fête dignement nos 11000km! (Bon même si nous les fêtes se terminent à 21h hein faut pas se mentir).


Le lendemain on visite la ville, on craque pour un bon restaurant végétarien ( pour faire plaisir à Maéli qui mange que du riz depuis son arrivée) et on part visiter une plantation de poivre. C'est très intéressant et ça finit par une dégustation de 8 poivres à la suite qui nous arrachent la bouche mais nous convainquent d'acheter plein de choses à la boutique.

Quand tous les touristes rejoignent leur hôtel, nous on galère à remplir nos bouteilles avec notre filtre à eau aux toilettes avant d'aller chercher où dormir. On bivouaque au bord du " lac secret" dans un super spot. Mais en fait c'est un petit chemin pour permettre aux pêcheurs de rejoindre leur barque juste à côté. Qui aurait cru qu'ils allaient pêcher au milieu de la nuit. Pas nous en tous cas. En tous cas ça les a bien fait rire quand leurs pleins phares ont rencontré nos corps en culotte dans la tente. Et ça a duré toute la nuit super reposant !

Heureusement la vue au réveil est belle et on s'offre un petit café sur le bord du lac. Le monsieur nous dit : " Coffee ?- yes no problem, not here but my house 2 min" et le voilà qui part en scooter et revient 10 min après avec un café digne d'un coffee shop ambulant. Puis on retrouve la grosse route qu'on va suivre jusqu'à Phnom Penh, ce n'est pas palpitant mais on avance en écoutant podcast sur podcast. Dernière nuit avant la capitale dans une guesthouse dans une petite ville. Restaurant où on peut manger des tortues ( on en voit plein d'ailleurs à vendre sur le bord de la route). Les derniers 60 km sont avalés le lendemain matin et nous voilà à Phnom Penh !

Nous logeons dans le Art Martial Hostel. À la base, c’est un club de boxe Khmer (similaire au Maï Thaï), mais vu qu’ils avaient de la place ils ont emménagé quelques chambres pour des voyageur·euses. Nous nous retrouvons dans la chambre juste à côté du ring ! Par curiosité, on décide de participer à un cours. On est assez excité·es par l’idée, sauf 5 minutes avant, quand on se rend compte qu’on va probablement devoir se battre (pas banal pour un sport de combat). Finalement le cours est plutôt amusant et bien sportif, on s’amuse bien, mais on se rend compte que ça n’est pas notre sport de prédilection. Sinon on profite de la capitale pour aller voir un film à l'institut français de Phnom Penh, et visiter quelques musées sur l’histoire du Cambodge. C'est d’ailleurs une bien sombre histoire qu’on découvre. Pour la faire court, le Cambodge fut pris dans une dictature très répressive entre 1975 et 1978 qui a perpétré un auto-genocide. C’est le parti dit des Khmers rouges qui a supprimé à peu près un quart de sa propre population en 3 ans seulement. On découvre cette histoire dans un ancien centre de torture de Phnom Penh qui illustre le sort terrible qui est tombé sur ce pays. Ce fut une visite très poignante et dure.

On remarque d’ailleurs comment cet épisode sombre de l’histoire a marqué le pays. On observe peu de personnes de plus de 45 ans. Le pays est en plein développement et tente de sortir d’une grande pauvreté. Car après la dictature, il a bien fallu une dizaine d’années pour remettre en marche le pays et le rouvrir au monde. Aujourd'hui, on observe aussi de nombreuses ONG internationales présentes pour assister le pays sur des nécessités universelles comme l’alimentation, la santé ou encore l’éducation. On a d’ailleurs pu visiter un centre d’accueil pour enfants en difficulté qui s’appelle “Pour un Sourire d’Enfant” et qui, partant d’une mission urgente d’alimentation d’enfants des rues, s’est transformé en une grande association d’aide sociale à l'enfance pour des familles à la rue. Nous ne nous sommes donc pas ennuyées durant nos 3 jours de visite. Ensuite nous demandons à l'hôtel s’ils peuvent garder nos vélos pour quelques jours, le temps d’aller visiter les célèbres temples d'Angkor Wat. Il s’agit d’une vaste zone archéologique, enfouie dans la jungle, où furent découverts, il y a à peu près un siècle, les vestiges d’un puissant royaume Khmer. On décide alors d’essayer le stop pour se rendre là bas. La distance est de 300km mais il faut bien compter 6h de route parce qu'on ne roule pas a 130 km/h ici. Nous voilà donc posté·es sur le bord de la route le pouce en l’air et notre destination inscrite sur un panneau en carton.

Les gens nous regardent bizarrement. On a même peur de provoquer un accident tellement certain·es nous fixent. On commence à douter de notre entreprise. Mais finalement, au bout de 30min, une voiture s’arrête et nous dit aller là où on va. Seulement, il veut négocier un prix. On négocie alors puis on trouve un accord mais il nous explique qu’au prix convenu, il nous fait une grande faveur. De notre côté, avec notre culture française du covoiturage, on se dit que de toute façon il devait aller là bas et qu’on l’aide à partager les frais. Pour lui, il s’imagine plutôt faire un acte professionnel, étant par ailleurs chauffeur, et semble un peu frustré du prix convenu. Enfin bref, ce moment rentre dans la longue liste des petits moment de choc des cultures dans notre voyage. Nous passons 2 jours à Angkor Wat. La zone est immense et nous prenons une journée pour visiter une bonne partie des temples. La coutume touristique de l’endroit veut qu’on aille profiter du levé du soleil devant le temple le plus connu. Nous nous plions donc à la règle et nous voilà à 6h du matin, telle une horde de zombies, à profiter des couleurs de l’aube. Le premier temple est très impressionnant. On peut observer une grande fresque en bas relief tout autour de l’enceinte retraçant l’histoire du royaume et la célébre scène du "battage de la mer de lait", avec shiva au milieu, des démons à droite qui essaient de l'attaquer et des personnes qui l'aident de l'autre côté en tapant la mer pour en faire sortir l'élixir de vie éternelle. Tout un programme. Ensuite nous nous baladons dans la jungle en quête de nouveaux temples. Le début de la matinée se fait au frais, le temps étant nuageux mais une fois le soleil découvert nous ne tenons pas longtemps et nous sommes obligés de nous rapatrier vers 13h.

Heureusement, cette-fois, on a pris un hôtel avec piscine ! Nous retournons quand même voir le temple le plus célèbre pour le coucher du soleil (tradition oblige) avec une petite canette de bière (ça c’est notre tradition). Le deuxième jour nous allons voir un spectacle de cirque, qui est une pratique très ancienne pour les Khmer (on a vu des sculptures de circassiens sur les bas reliefs des temples). Le spectacle est très cool, ça fait du bien de voir un spectacle vivant ! Il s’agit encore d’une association soutenue par différentes organisations internationales qui recueille et forme notamment des enfants à la rue. Pour rentrer à Phnom Penh, nous décidons de retenter le stop, mais en étant prêt·e, cette fois-ci, à débourser un peu d’argent. Seulement, en nous rendant à notre point pour lever le pouce, on passe devant toutes les compagnies de bus qui voit notre panneau avec inscrit Phnom Penh dessus et qui veulent nous faire monter dans leur car. On finit par céder avec un monsieur qui nous propose un bon prix. Le voyage en bus est plus lent. Il faut déposer tout le monde a des endroits différents (parfois séparés d’une distance de 50 mètres) et l’arrivée à Phnom Penh est pleine d'embouteillages, ce qui fait que ça nous prend toute la journée. On arrive quand même à croiser le soir nos amis Clément et Charlotte que nous avions déjà vu à Hanoï et à Luang Prabang. Cette fois-ci c’est la dernière, mais c’est toujours un plaisir de les voir.

Le lendemain on quittera le Cambodge pour rejoindre le Vietnam et rentrer dans le delta du Mékong, la dernière étape de notre trajet. Finalement le Cambodge n'aura pas toujours été le pays le plus facile pour faire du vélo mais nous resterons marqué·es par l’histoire de ce pays et par nos rencontres, qui laissent souvent transparaître les marques laissées par ce passé sombre. On sent un pays en plein développement et qui change vite, avec des jeunes générations. Le Cambodge risque de bien changer encore dans les prochaines années.

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